Courses

Marathoniens !


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Le récit de notre participation à la petite course de quartier qui a eu lieu dimanche 12 avril 2015. Attention, pavé épique ! 🙂

A J+1, mes jambes sont en grèves et je pleure quand je vois un escalier devant moi. Je profite donc de ma mobilité restreinte pour faire le compte-rendu de cette aventure folle qu’a été le marathon de Paris.

Petit retour en arrière pour tenter de comprendre comment nous en sommes arrivés là : en 2012, nous emménageons à Bastille et je réalise que le MDP passe deux fois sur la place. Le marathon, c’est quand même LA course ultime sur route, fallait que je vois ça. Et là, bim. Les runners, l’ambiance sur le parcours, les spectateurs qui encouragent les galériens du bitume. Je crois que j’ai rattrapé le virus de la course à pied (qui m’avait laissé tranquille depuis les études). Fin 2012, je renfilais les runnings. En 2013, je retournais prendre des photos et suivre le marathon. Je n’avais pas le niveau, mais pour mes 30 ans, c’est sûr, j’y serai.

En 2015, presque pour mon anniversaire, je fais partie des 40 157 gars en t-shirts orange fluo, qui errent au pied de l’Arc de Triomphe, un sourire béat et une médaille autour du coup. Finisher. Et ouais.

Mais revenons à ce dimanche 12 avril.

Nous partons dans les temps, le RER est exceptionnellement ponctuel. Tout va bien. D’autres gars en tenues hyper moulantes et chaussures flashy montent au fur et à mesure des arrêts. Hum, je ne savais pas que c’était un marathon déguisé, on ne me dit jamais rien aussi ! Le RER passe Sartrouville, brouillard de pollution jaunâtre sur toute la capitale, la routine. Petite prière pour nos poumons qui vont respirer ça pendant toute la journée. On blague, on se demande si ce sont les dossards pairs ou impairs qui ont le droit de courir.

A la station Étoile, ça commence à être la cohue. Les gens déguisés en cônes de signalisation prennent des photos, ça s’interpelle dans toutes les langues. Nous suivons le troupeau de joggeurs avec les sacs (détails qui a son importance pour trouver la consigne, parce que les sans-sacs, ils filent direct au sas. CQFD) jusqu’au village marathon. Au passage, j’indique à Ludo, que si nous sommes séparés, nous nous retrouverons devant l’ambassade d’Irlande, la plus proche en sortant. Oui, oui, qu’il me dit.

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Photo d’avant course, encore jeunes et insouciants

A la consigne, comme nous sommes dans l’avant-dernier sas, l’ambiance est plutôt calme et le village désert. La moitié de la troupe a déjà posé ses affaires et trime déjà sur les pavés parisiens. Petite photo avant le départ, je remets des pansements sur mes pieds et…Ha ben, tiens, on part dans 10min, faudrait peut-être y aller, là ! Petit jogging pour rattraper la zone du départ sur les Champs-Elysée, le sas des 4h15 est déjà à moitié vide.

Nous rejoignons nos camarades d’infortune 2 minutes avant l’heure fatidique. 9h50. Rien. 9h51. Hé, mais pourquoi ça part à gauche et pas dans notre couloir, hein, HEIN ? 9h52, nous escaladons les barrières et partons fissa, en délinquants du running que nous sommes.

Km 0 à 13

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Un marathon, ça ? La promenade du chien, oui !

Enfin, nous sommes lancés. Ludo est impressionné, on trottine sur les Champs, cette illustre avenue chargée d’Histoire et de monoxyde d’azote. On ne se laisse pas emporter par l’euphorie, il y a quand même 42 km et des brouettes qui nous attendent, un peu de retenue. Notre allure cible est de 5min40 au km. A cet instant, nous croyons que c’est à notre portée.

Nous doublons des personnes âgées qui semblent déjà au bord de l’infarctus. Des petits vieux comme ça, nous en croisons sur chaque course et à chaque fois, nous nous demandons s’ils ne vont pas crever sur le bas-côté mais en fait non. Ils finissent. Y a mieux pour se motiver (comme les pompiers de Paris, là devant. Hellooo, les garçons 🙂 ), donc nous nous dépêchons de doubler les petits vieux claudicants. En parlant de dépassement, il y a trop beaucoup de monde qui a eu la brillante idée de courir le marathon en ayant clairement choisi un sas au pifomètre. Résultat, ça marche déjà. Passer les coureurs les plus lents nous oblige à de nombreux zig-zag voire à presque marcher. Je perds du temps, je m’énerve et Ludo ricane.

Nous arrivons très vite à Bastille et au premier ravito où j’arrache une bouteille d’eau. Il fait chaud et je sens que je vais faire tous les ravitos pour prendre une bouteille, boire une gorgée et me vider le reste sur la tête. Ludo essaie de faire de même. Il est tellement frais qu’il tente de boire avec le bouchon fermé. Je me demande ce qu’il a mis dans ses chocapics ce matin.

Pour avoir vécu dans le quartier et fait le semi, je connais le parcours par cœur. Nous nous laissons porter, on claque les mains des petits spectateurs (il en faut peu pour me motiver). Je suis à l’aise dans mes chaussettes toutes propres.

Km 13, chacun sa route

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Vincennes arrive et là, je sens que ma moitié commence à lâcher prise. Ludo n’a pas couru depuis le semi de Rueil, le 18 mars dernier et son entraînement se résume à 2 sortie dans le mois. Alors, même s’il a perdu du poids, qu’il a une génétique de Kenyan (ce petit bâtard) et qu’il est têtu comme une bourrique, je suis un peu inquiète pour lui.

Au km 13, Ludo m’annonce qu’il commence à avoir mal, qu’il ne tiendra pas le rythme, que 4h au marathon, c’est has been et qu’il le fera en 5h épicétou. J’hésite, je n’ai pas envie de le laisser étant donné son amour profond pour la course à pied mais d’un autre côté, je vise mieux que 4h15…Après la promesse de se retrouver au drapeau (déjà, ce n’était plus l’ambassade d’Irlande, mais je n’ai pas relevé. Grave erreur), je file devant. Je passe la – charmante – meneuse des 4h15 entourée de sa meute de cannetons coureurs et part voir si des 4h ne traînent pas dans le coin.

Il y a des oranges aux ravitos et c’est cool pour les gens comme moi qui ne savent pas boire en courant. Il y a aussi des tuyaux qui nous balance de l’eau – glacée – dessus pour nous rafraîchir et ça, c’est un peu moins cool. En plus, ça me trempe mes jolies chaussettes. Heureusement qu’il y a des oranges aux ravitos pour oublier.

Retour sur Paris par la porte de Charenton, bonne ambiance sur le parcours avec des orchestres, des banderoles d’encouragement et des inconnus qui crient ton nom (heureusement que j’ai pas mis de bêtise sur le dossard !) pour te motiver. Toujours autant de monde autour de moi, je suis ralentie plusieurs fois, ça me perturbe. Le semi arrive, la première claque aussi : je passe les 21 km en 2h, impossible de terminer le marathon en 4h à ce rythme. A moins de piquer la trottinette du gosse là ou de prendre le métro. Mais je n’ai pas mon pass Navigo et le gamin court plus vite que moi.

J’essaie de prendre l’aspiration des gros/ plus grands que moi/ ceux qui ont l’air de savoir ce qu’ils font pour me caler sur leur allures mais mes lièvres n’ont pas l’air au courant de ma stratégie et lèvent le pied les uns après les autres. Le manque de communication, c’est terrible.

Km 23 à 30, Paris is magic

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mais ça fait un peu bobo aux jambes…

Je trouve un Angoumoisin en perdition au km 23, on s’encourage entre cagouilles. Les vrais reconnaissent les vrais, si, si.

Derrière, Ludo commence à ramasser les fondations du mur avant de se prendre toute la maison avec les tuiles en prime. Comme il n’a pas encore fait le stage « maçonnerie » chez Leroy-Merlin, il le vit très mal.

De mon côté, pas le moindre signe de défaillance. Les vitamines des oranges du ravito doivent y être pour quelque chose. Bonne option, la stratégie full orange.

Par contre, en passant sous les tunnels le long du Quai Georges Pompidou (haaa, il fait noir, lumière, lumièèère ! ), je croise les premiers tombés au champ d’honneur, agonisant dans leur couverture de survie ou vomissant sur le bas-côté. Comme ce n’est pas très lol tout ça, je me concentre sur les coureurs devant moi pour éviter de voir l’hécatombe. Dommage, il y a des petits vieux devant. Je pense que l’univers se rit de moi. Saleté d’univers.

Km 30, the wall…ha non. ASO a décidé de construire un mur pour marquer le trentième kilomètre. Petit clin d’oeil. Par contre, ils n’ont pas prévu qu’on passe à plus de deux de front dans les rues, entre les voitures et les spectateurs.  Je me sens comme une sardine mais sans l’envie de chanter.

Le sol colle à cause du ravito Isostar, les jets d’eau nous trempent le dos, je pose le pied dans une flaque et mouille mes chaussettes. Rien ne va plus. Je commence à ralentir.

Derrière, Ludo est en mode mouton aphteux, il préfère se laisser porter par le peloton plutôt que de penser aux kilomètres restants. Parce quel humain normal s’infligerait ça, hein ?

Km 35, le début de la fin

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J’arrive Porte Maillot et mes envie de meurtres resurgissent. J’ai eu envie de jeter dans le caniveau les marcheurs qui s’arrêtaient au milieu de la chaussée sans se préoccuper des coureurs autour, j’ai lancé des regards noirs aux spectateurs qui s’avançaient au-delà des barrières, mais allez tous bruncher et laissez moi la place d’avancer, nom de nom !

Ne parlons pas des gens qui pour t’encourager, te lancent « t’as fait le plus dur ». FAUX, FAUX, ARCHI-FAUX, MENSONGE ! Le plus dur, il est devant. Viens courir avec moi, on en reparle après !

Mes chevilles se raidissent mais ce n’est pas le plus préoccupant. Non, ce qui allume toutes les sirènes d’alarme dans ma tête, c’est mon mollet droit qui devient raide comme un bout de bois. La crampe s’est installée, insidieusement et aucune orange ne la fera partir.

Derrière, Ludo est au-delà de la douleur. Il ne sait même plus où il en est d’ailleurs.

Km 36 à 39, achevez-moi

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Le bois de Boulogne, je n’en vois pas le bout, un vrai traquenard. Je me bats contre ma jambe qui ne plie plus, mes pieds qui brûlent. Chaque kilomètre fait un milliards de mètres, je marche pour m’étirer, j’ai envie de me rouler en boule jusqu’à ce qu’une ambulance me ramasse. Puis je pense à Ludo derrière et je me dis qu’au moins un de nous deux doit ramener ce fichu t-shirt de finisher avec la grosse médaille bling-bling que même un rappeur du 9-3 ne voudrait pas porter. J’essaie de relancer à la moindre dénivellation du parcours, trou dans la route, un gamin plus petit que moi.

Ludo, justement, a trouvé son rythme de croisière. Il s’amuse beaucoup.

Km 42,195, vous êtes arrivé

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votre corps va maintenant s’autodétruire

Au km 40, je tombe sur une coach survoltée qui pousse littéralement son dauphin, Rachid, pour finir. Le pauvre Rachid est blanc comme un linge, ça sent le sapin pour lui mais l’enthousiasme de la coach est communicatif. Je ne sais pas comment mais je me retrouve avec 10 gars à crier « Allez Rachid, on va le faire Rachid, on est ensemble Rachid » et j’arrive à relancer un peu. Coach inconnue, je t’aime.

L’arrivée arrive super vite, un voisin tout excité lance un « on est marathonien », je lève les yeux et je vois l’arche. Le dernier kilomètre et les 195 mètres livrés avec passent en une seconde (ce n’est pas ce que dit ma montre mais ce n’est qu’un détail). Je prends la pose pour la photo, genre, le marathon, c’est facile en fait, et ça y est.

Je suis marathonienne. Je l’ai  fait. Mon temps officiel est de 04h07. Je rate les 4h00, sans doute à cause des bouchons dès le début du parcours et une allure générale trop lente (comme quoi, 6 secondes par km, ça change tout…). A moins que ce ne soit l’overdose d’oranges. Je ne veux plus jamais manger d’oranges de ma vie après cette journée.

Mon corps décide brusquement de s’arrêter, j’ai un passage à vide où chaque mouvement est un effort sur-humain. Un gars tombe à côté de moi, la sécurité civile arrive avec un brancard. Des coureurs sont étalés un peu partout sur le sol ou tentent de se redresser en grimaçant. Ambiance walking dead. Je me traîne pour récupérer mon t-shirt, mon poncho vert et ma médaille. J’ai fait 42,195 kms pour ces trophées, donnez-moi ça tout de suite ! Je rampe jusqu’à la consigne, m’affale sur la table, récupère mon sac et essaie de me changer.

L’after-party

J’ai des ampoules sous le pieds gauche, comme au semi de Rueil. Je crois que mes Mizuno et moi allons divorcer. Je sors du village marathon et arrive jusqu’à l’ambassade irlandaise. Pas de Ludo mais je ne m’inquiète pas.

2h et un tour des Champs plus tard, je suis à deux doigts de la crise de nerf quand je le retrouve enfin, en train de somnoler sur une pelouse dans son poncho de Roumain. En face de l’ambassade de Côte d’Ivoire. Au numéro 44 au lieu du numéro 10. Je résiste à l’envie de l’étrangler avec sa médaille de rappeur west coast, des fois que ça abîmerait le précieuse trophée.

Ludo a fini en 04h29, ce qui est un exploit pour lui qui n’avait pas couru depuis un mois. Il n’a pas mal aux chevilles ni aux mollets et il est ravi de ses Adidas Supernova Glide. Nous réalisons peu à peu que nous venons de boucler un marathon. Nous l’avons fait, nous avons bouclé ces 42,195 kms sans exploser/ imploser !

Nous repartons avec nos médailles autour du cou en boitillant, les endorphines au maximum, dans la foule des ponchos verts qui tente de rallier le métro.

Une bonne semaine pour s’en remettre, maintenant.

Bravo à toutes et à tous les participants qui sont allés aux bout d’eux-mêmes pour franchir la ligne d’arrivée.

Quelques chiffres :

54 000 inscrits, 41 342 participants (record de participation), 40 172 finishers soit 97, 17% de finishers

40% d’étrangers

35% de coureurs participaient à leur premier marathon

250 000 spectateurs

2 623 calories dépensées pour Emilie

2 kg en moins sur la balance pour chacun malgré les bouteilles bues à chaque ravitos

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